Henri Charlier : Sculptures individuelles
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A la différence des grands ensembles sculpturaux où les différentes pièces répondent à une idée générale liée au sanctuaire concerné, chaque sculpture individuelle est conçue par Henri Charlier suivant une pensée propre. Ainsi, chacune de ces oeuvres illustre à sa manière l'affirmation de Charlier dans son livre L'art et la pensée : «Mon idée, c'est ma statue.» Quelques exemples vont nous le montrer. Les sujets traités sont très diversifiés, mais la part la plus importante revient aux sujets suivants : Sacré-Cœur (7 pièces), Vierge à l'Enfant ou au Saint-Esprit (35), saint Joseph (17), sainte Jeanne d'Arc (7), saint Louis (5), saint Benoît (3).
Statues de la Vierge Marie Interrogé un jour au sujet d'une Madone du quinzième siècle que lui présentait un journaliste, Charlier répondit : «C'est beau, mais la Sainte Vierge est ici trop grande Dame.» Et l'on pense en effet à sa statue de Notre-Dame des Pauvres (église de Melun) : une Vierge couronnée, mais représentée en couturière, assise, en train de raccommoder du tissu ; ou bien à sa Notre-Dame de la Délivrance (Montgueux) qui porte sur son épaule un Enfant Jésus en train de briser une chaîne de prisonnier au-dessus de la tête de sa Mère ; on pense aussi à la Vierge Stella Maris de l'abbaye Saint-André de Lophem (Bruges, Belgique) où l'Enfant Jésus grimpe sur la poitrine de sa Mère pour l'embrasser, ou bien avec une pointe d'humour, à sa Notre-Dame des Missions (noviciat des missions africaines, Rezé) qui tient dans ses bras une noix de coco servant de berceau à l'Enfant Jésus. Familières encore — mais sans jamais rien perdre de la dignité de Mère de Dieu — sont cette Vierge à laquelle son Enfant Jésus de douze ans environ enseigne le mystère de la Sainte Trinité en lui montrant trois de ses petits doigts (collection particulière), ainsi que la statue de Notre-Dame destinée à l'Oeuvre du “Nid” (pour les prostituées repenties) où Marie est représentée en paysanne tenant un nid dont l'Enfant Jésus contemple les oisillons. Enfin, une grande simplicité caractérise aussi les autres Vierges à l'Enfant assises : ND du Bel Amour (colection particulière), ND de la Paix (Basilique Saint-Rémi de Reims), ND du Silence (Foyer “la Solitude”, séminaire d'Issy-les Moulineaux), et la Vierge à l'Enfant de l'église du Saint-Esprit à Anvers (Belgique).
Quelques idées directrices prédominent dans les sculptures de la Vierge que nous devons au ciseau d'Henri Charlier : la Vierge Marie écoute le Saint-Esprit, Elle communique son Fils aux hommes, qui est représenté parfois en tout petit Enfant tenant déjà sa Croix ou le Calice de sa Passion entre ses mains. Les Vierges de Charlier écoutant le Saint-Esprit, représenté sous la forme d'une colombe, sont sans conteste les plus belles de ses sculptures, celles dans lesquelles la féminité de Marie est exprimée avec le plus de finesse et de grâce. La Vierge à l'Enfant “Rosa Mystica”, représentée en coule monastique, tient une colombe contre son oreille droite et l'Enfant Jésus endormi contre son cou à gauche : cette statue est le chef d'oeuvre sculptural d'Henri Charlier du point de la forme plastique et de l'expression spirituelle (Monastère ND de la Sainte-Espérance, au Mesnil-Saint-Loup, voir page Grands Ensembles). Notre-Dame des Pauvres, évoquée plus haut, écoute elle aussi le Saint-Esprit : une gracieuse colombe qui se tient debout sur ses deux pattes, posée sur l'épaule de Marie, contre son oreille. “Virgo Fidelis” est aussi une Vierge écoutant le Saint-Esprit représenté en colombe perchée sur deux doigts de la main de Marie. Faisons remarquer enfin que ce thème de l'écoute, ainsi exprimé par une colombe près de l'oreille de la Vierge, s'est transformé dans les dernières années de la vie de Charlier : ses deux dernières Vierges au Saint-Esprit, Notre-Dame de la Sainte-Espérance (surplombant les tombes de la famille Charlier, Mesnil-Saint-Loup) et Notre-Dame de Lumière (Troyes), tiennent la colombe non plus contre leur oreille, mais collée sur leur poitrine. Ce changement de pose exprime l'intériorisation des relations entre Marie et le Saint-Esprit : l'écoute spirituelle de la Vierge y figure en un véritable Coeur à Coeur avec Dieu.
Autre thème majeur dans les représentations mariales de Charlier : de Notre-Dame des Roches (collection particulière) à Notre-Dame de Fidélité (abbaye Sainte-Madeleine, Le Barroux) en passant par Notre-Dame du Précieux Sang (église Saint-Austremoine, Issoire), Marie présente son Fils debout droit devant elle en le tenant des deux mains par la taille, pour le communiquer aux hommes. Notre-Dame du Précieux Sang est l'expression la plus achevée de ce thème. En effet, elle offre un Enfant Jésus portant un calice rempli du Sang qui jaillit de son Coeur : c’est une image plastique de la définition de l'Eglise donnée par Bossuet, «L'Eglise, c'est Jésus-Christ répandu et communiqué», définition qu'Henri Charlier enrichit par la présence de la Vierge Marie, qui figure ainsi dans son rôle de Mère de l'Eglise. Quant à ND de Fidélité, l'Enfant Jésus serre sa Croix sur sa poitrine, thème proche de celui de la Vierge du cloître de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes où Jésus reçoit la Croix des mains de sa Mère.
Statues du Sacré-Coeur Beaucoup moins nombreuses que les statues de la Vierge, les statues du Sacré-Coeur ne sont pas moins importantes par leur localisation. La plus imposante d'entre elles (3,20m), en effet, se trouve dans la capitale mondiale du Sacré-Coeur : à Paray-le-Monial, bien visible puisqu'elle est posée sur le dôme de la chapelle de Saint Claude-la-Colombière. La ville d'Anvers (Belgique) possède de son côté un Sacré-Coeur en majesté, assis, dans l'église du Saint-Esprit, qui est inspiré des Christs en majesté des portails de nos cathédrales mais avec cette simplicité de formes et de lignes qui caractérise l'art de Charlier et fait de lui un génie de l'art du trait jusque dans sa sculpture même.
Statues de saint Joseph «On ne fait que des saints Joseph célibataires, celui-ci est époux, son geste d'offrande est tout dirigé vers Notre-Dame», expliquait Henri Charlier à un journaliste, à propos de l'un de ses saints Joseph. Encore une idée originale du sculpteur, qui fut lui-même marié. Outre les statues du Mariage de saint Joseph et de la Sainte Vierge en bois polychrome (Canada), très nombreuses sont les statues où Charlier représente saint Joseph en charpentier, avec la plupart du temps des outils près de lui (hache, équerre…), et avec l'Enfant Jésus à ses pieds (église saint-Austremoine à Issoire, abbaye Notre-Dame de Maylis) ou dans ses bras. Du saint Joseph à l'Enfant qui se trouve à l'abbaye de la Pierre-qui-Vire nous connaissons le commentaire élogieux que lui adressa Paul Claudel, ami d'André Charlier : « Henri Charlier est un grand tailleur d’images, un de ces artistes suivant le cœur de Dieu dont il est parlé dans les livres Sapientiaux. Sa statue de saint Joseph à la Pierre-qui-Vire est magnifique et j’en ai infiniment apprécié la polychromie. C’est une excellente voie.» Le saint Joseph (pierre polychrome) de l'abbaye de Maylis tient la main de Jésus en contemplant la paume, comme pressentant le clou qui la percera. Quant au saint Joseph dans la chapelle Notre-Dame de Lumière (Troyes, voir page grands ensembles), selon l'explication qu'en a donnée Henri Charlier, il tient dans ses bras l'Enfant Jésus qui se désigne lui-même du doigt pour dire : «C'est moi le plus grand.» Signalons aussi un très beau saint Joseph dans l'église du Sacré-Coeur à Dijon, un autre dans l'église paroissiale d'Ambert.
ND de la Paix - Reims, basilique Saint-Rémy
ND des Pauvres - Melun, église Notre-Dame
Clichés d’atelier : statue entourée de deux études au fusain - Vierge pour l’église du Saint Esprit , Anvers, (Belgique)
ND du Silence - Issy les Mlx (Hauts de Seine)
Vierge à l’Enfant - Abbaye Saint-Pierre (Solesmes)
ND du Précieux Sang - Issoire, église Saint Austremoine
ND de Fidélité - Le Barroux, abbaye Sainte Madeleine
Sacré Coeur - Le Barroux , abbaye sainte Madeleine
Chapelle ND de Lumière - Troyes (Aube)
Abbaye de Maylis (Landes)
Eglise Saint Austremoine - Issoire (Puy de Dôme)
Statues de sainte Jeanne d'Arc Sainte Jeanne d'Arc tient une grande place dans la vie de Charlier, non seulement en tant qu'ami de Charles Péguy et l'un des trois seuls amis à l'avoir félicité pour son Eve, mais dans sa vie de chrétien et de sculpteur. Sa première Jeanne d'Arc en bergère, statue en pierre polychrome (église de Villers-devant-Mouzon) fut exposée en 1922 au Salon d'Automne où elle reçut un accueil enthousiaste du public, et valut à Charlier d'être nommé Sociétaire de ce Salon. Cette oeuvre marque une étape primordiale pour la réputation d'Henri Charlier dans le monde des arts et de la sculpture. Jeanne d'Arc y est représentée en bergère âgée d'environ dix à douze ans, vêtue d'une robe rouge et coiffée d'un bonnet, mais tenant une épée des deux mains contre sa poitrine. L'expression de recueillement qui marque son visage est d'une très belle simplicité. En raison de son succès, Henri charlier dut reproduire cette Jeanne d'Arc (en pierre polychrome toujours) pour l'église de Verneuil-sur Avre, ainsi que pour l'abbaye Notre-Dame de Bellocq. Enfin, Charlier avait fait faire un moulage polychrome de cette statue qu'il garda toute sa vie durant dans son salon, avec une copie en bois polychrome du saint Louis revêtant la Couronne d’ Epines (voir plus bas). Dans la chapelle du château de Clairoix, où sainte Jeanne d'Arc a passé sa première nuit de captivité, Henri Charlier a sculpté un bas-relief polychrome de Jeanne d'Arc prisonnière, sur lequel la sainte est représentée avec une chaîne au pied.
La Jeanne d'Arc en tenue de guerrière qui se trouve dans l'église de Souain, où elle tient lieu de monument aux morts pour la guerre de 1914-1918, nous présente Jeanne s'offrant en sacrifice pour la France dans la position de l'orante. C'est l'évocation plastique de la finale de l'Eve de Charles Péguy, qui s'achève sur la mort de Jeanne. En contemplant le visage de cette Jeanne, déjà presque transfigurée par la mort, on se rappelle en effet les vers de Péguy : Heureux qui la verra dans cette autre lumière Le front plus découvert que les saints Innocents. Enfin, une Jeanne d'Arc en bergère, sculptée en bois polychrome, mérite une mention particulière, à la fois en raison de sa qualité plastique qui l'orne du charme gracieux de l'enfance, et de la notoriété de sa destinataire : cette statue fut en effet réalisée pour l'actrice Ingrid Bergman, après le tournage du film Jeanne d'Arc de Victor Fleming, dans lequel l'actrice tenait le rôle principal.
Statues de saint Louis Charlier n'a laissé que deux modèles de saint Louis. Nous avons déjà mentionné celui de la Pyramide du monument aux morts d'Uza, représenté en tenue de Poilu de la guerre de 1914. Le deuxième fut réalisé pour la chapelle du château de Coussergues : il s'agit d'un saint Louis échangeant sa couronne royale contre la couronne d'épines du Christ. L'idée évoquée ici est celle de l'Evangile, où le Christ demande à ses disciples de ne pas imiter la conduite des rois de la terre qui dominent sur leurs sujets, mais de se comporter en serviteurs de ceux-ci. (Luc 22, 25-26) L'original en pierre polychrome de cette statue, l'une des plus belles de Charlier, fut brisé durant le transport, si bien qu'Henri Charlier en recommença un deuxième exemplaire. Il en fit également deux autres en bois polychrome, dont l'un accompagna ses jours aux côtés de la Jeanne d'Arc mentionnée ci-dessus.
Statues d'autres saints Henri Charlier, qui était oblat bénédictin (membre d'une sorte de tiers-ordre pour les laïcs), a donné de saint Benoît trois figures sculptées dans la pierre, dont la plus belle se trouve à l'abbaye Notre-Dame de Wisques-Longuenesse. Outre les apôtres de l'Oratoire Saint-Joseph, le saint Jude et le saint Gaétan de Notre-Dame de Lumière, il a sculpté aussi d'autres nombreux saints, parmi lesquels on compte un très beau saint Dominique pour le couvent des Dominicaines de Pensier (Suisse), plusieurs saintes Thérèse de l'Enfant Jésus, saints Michel, deux saints Curé d'Ars, deux saintes Thérèse d'Avila, un saint Jean de la Croix, une sainte Bernadette, une sainte Colette, un saint Laurent, un saint Rémy recevant la sainte Ampoule apportée par une colombe… Pour le détail de toutes ces oeuvres, consulter l'inventaire général de la sculpture.
Lorsque Notre-Dame du Nid fut achevée, Charlier le fit savoir au fondateur de l'Oeuvre du “Nid”, le Père Talvas. Celui-ci se rendit au Mesnil-Saint-Loup un après-midi d'hiver pour y prendre la statue. Henri Charlier le reçut très aimablement au coin du feu, et les deux hommes eurent une conversation. A la fin, le Père Talvas demanda au sculpteur quel était le prix de la statue. Henri Charlier réfléchit un instant, puis répondit au vénérable prêtre : «Vous direz une messe pour moi» et il fit cadeau de la statue au Père Talvas. Là où d'autres chrétiens, en pareille circonstances, eussent demandé de faire dire des messes pour les filles de l'Oeuvre du “Nid”, Henri Charlier demandait une messe pour lui : il faisait de son art une oeuvre de la foi, au service de la conversion de son âme.
Quelques sites possédant des sculptures représentatives de l'art de Charlier : — Monastères : ND de la Sainte-Espérance (Mesnil-Saint-Loup) ; monastère Sainte-Claire (Poligny) ; Carmel (Le Reposoir) ; Communauté des Béatitudes (Cuq-lès-Vielmur) ; ND d'Ermeton (Belgique). — Abbayes : Saint-Pierre de Solesmes ; ND de La Pierre qui Vire ; ND de Maylis ; ND de Wisques ; ND de Belloc ; Sainte-Madeleine du Barroux ; Saint-André de Lophem (Bruges, Belgique) ; Saint-Paul d'Osterhoot (Hollande) ; Saint-Benoit du Lac (Canada). — Eglises paroissiales et autres : église Saint Germain des Prés (Paris) ; jardin de l'Institut Catholique (Paris) ; Basilique Saint Rémy (Reims) ; église Notre-Dame (Melun) ; chapelle Saint Claude La Colombière (Paray-le-Monial) ; Notre-Dame des Passes (Le Moulleau); église Saint-Austremoine (Issoire) ; église paroissiale d'Ambert ; Foyer “La solitude” (Issy-les Moulineaux) ; Œuvre du Nid (Clichy) ; école Robin (Vienne) ; église du Saint-Esprit à Anvers (Belgique)…
L'esprit dans lequel Charlier sculptait ses oeuvres L'histoire de Notre-Dame du Nid, la Vierge à l'Enfant en bois polychrome destinée à l'Oeuvre du “Nid” pour les prostituées repenties, illustre bien l'esprit dans lequel Henri Charlier travaillait en son petit village du Mesnil-Saint-Loup, où il s'était installé nous dit-il «dans l'espoir de m'y convertir.»
Notre Dame du Nid - Clichy (Hauts de Seine)
Sainte Jeanne d’Arc - Souain (Marne)
Moulage du Sacré-Coeur, sur le dôme de l’église Saint -Claude La Colombière (Paray -le-Monial)
Saint Louis échangeant sa couronne contre la Couronne d’épines
Sainte Jeanne d’Arc - Coll. part. Ingrid Bergman
Abbaye de la Pierre-qui-vire (Yonne)
Sacré Coeur en majesté - Eglise du Saint Esprit, Anvers (Belgique)
Si l'on exclut les oeuvres destinées aux sanctuaires mentionnées dans la page consacrée aux grands ensembles, le nombre de sculptures individuelles réalisées par Henri Charlier s'élève à plus d'une centaine. Ce sont essentiellement des figures de saints et de saintes, destinées à des communautés paroissiales ou religieuses, à des abbayes, ou à des particuliers.
Enfin, l'abbaye Sainte-Madeleine (Le Barroux) possède la dernière sculpture réalisée par Henri Charlier, livrée par lui à l'âge de 89 ans : un Sacré-Coeur de Jésus enfant en bois polychrome où s'expriment plastiquement les pensées de spiritualité développées par Henri Charlier écrivain (sous le pseudonyme de D. Minimus) sur l'Enfant Jésus adolescent.
Notre Dame de Lumière, Troyes
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