Henri Charlier : Grands Ensembles sculpturaux Churches decoratives sets
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Sculpteur en taille directe dans la pierre ou le bois, Henri Charlier a réalisé ses plus audacieuses conceptions dans de grands ensembles architecturaux à vocation religieuse (églises, sanctuaires, abbayes…), où son art monumental a pu se déployer et s'exprimer, au renfort de son idée souvent rappelée que la liturgie est l'aboutissant de tous les arts. En effet, dans ces grands monuments religieux, la sculpture de Charlier est mise au service de la liturgie : maîtres-autels monumentaux, crucifix d'autel, calvaires, chemins de Croix, arc triomphal de la Transfiguration, aucune de ces oeuvres n'est réalisée pour elle-même, mais pour servir à l'action liturgique et nourrir la contemplation des fidèles. Ci-contre, la Vierge de l'Assomption (pierre polychrome) de Notre-Dame de Lumière, à Troyes, se tourne vers le grand Crucifix situé quelques mètres plus loin, représentant le Christ dans sa Transfiguration entre les prophètes Moïse et Elie. Cette compénétration d'un mystère glorieux avec un mystère lumineux est riche d'enseignement : Henri Charlier nous rappelle, plastiquement, que l'Assomption aboutit à cette gloire que la Transfiguration promet aux élus, et qu'au ciel la contemplation des mystères du Christ continue. On y contemple aussi une vue remplie d'espérance sur le rôle de la Sainte Vierge dans la vie des chrétiens.
A propos de ce rôle, dans son livre L'art et la pensée Henri Charlier expose sa conception de l'oeuvre d'art, envisagée comme un “analogue plastique” des mystères de la foi : «Où qu'elle paraisse, à la Crèche, à Cana, au Calvaire, Marie est celle qui, comme la Divine Sagesse, était conçue avant les abîmes, pour un rôle temporel et éternel au-delà de toute mesure. Les mystères joyeux, douloureux, glorieux, ne sont pas d'abord des scènes de joie, de douleur ou de gloire (et des scènes de joie, de douleur, ou de gloire naturelles), mais d'abord des MYSTÈRES, et c'est là leur sens le plus profond. Une oeuvre d'art est une contemplation de l'oeuvre de Dieu dans le mystère de la foi. La foi est le lieu de l'Art chrétien.» C'est dans les grands ensembles sculpturaux que la foi du sculpteur Henri Charlier se révèle et s'affirme avec le plus grand déploiement.
Le plus important ensemble sculptural d'Henri Charlier se trouve au Canada, à l'Oratoire Saint-Joseph de Montréal, le plus grand sanctuaire au monde dédié à Saint Joseph. Charlier y a sculpté en pierre polychrome le Maître-autel, représentant la mort et la Résurrection du Christ, le sacrifice d'Abel et d'Isaac. Ce Maître-autel a mérité le qualificatif de «plus bel autel de toute la chrétienté» lors d'une mondiovision réalisée à l'Oratoire.
Notre-Dame de Lumière, à Troyes (Aube), à la Maison Mère des Soeurs Oblates de Saint François de Sales, est le dernier grand chantier sur lequel Henri Charlier a oeuvré, non seulement en tant que sculpteur, mais aussi comme décorateur (choix des couleurs du dallage, des vitraux, dessin des bancs des fidèles et des boiseries). C'est un ensemble, peut-on dire, entièrement «pensé» par Charlier. Sa réalisation est le fruit de travaux s'étalant entre les années 1964-1967. C'est l'ensemble sculptural de Charlier où la polychromie joue le rôle le plus important : la sculpture peinte rayonne d'une lumière plus éclatante que dans les ensembles de La Bourboule ou de l'Oratoire Saint -Joseph.
Notre Dame de Lumière - Troyes (Aube)
Le deuxième grand ensemble sculpté par Charlier se trouve dans l'église de La Bourboule (Puy-de Dôme), s'étalant entre les années 1942-1952, durant lesquelles Charlier a sculpté les chapiteaux polychromes (voir les pages “chapiteaux”) taillés dans la pierre de lave volcanique, en y ajoutant le tympan du portail (1945), une sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus (1950), sainte Jeanne d'Arc (1951), un saint Joseph et le maître-autel (1952).
Un premier ensemble important est celui de d'Audincourt (Doubs), réalisé par Henri Charlier entre les années 1932-1938. Outre la Vierge à l'Enfant (pierre polychrome) et le maître-autel (bas-reliefs en pierre), il y a sculpté le baptistère, un saint Joseph à l'Enfant et une sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. En même temps, Charlier sculptait en 1934 un autre maître-autel pour la chapelle de l'ancien petit séminaire de Voreppe (Isère), ainsi qu'un Sacré-Coeur (bois polychrome) pour le trumeau de la porte d'entrée.
Le sommet de la sculpture pure de Charlier, du point de vue de la forme plastique, est la Vierge à l'Enfant Rosa Mystica, en pierre de pouillenay rose (1951), primitivement réalisée avec le maître-autel en pierre (1947) pour l'église du monastère des bénédictines de Vanves. Aujourd'hui, ces deux oeuvres se trouvent au monastère Notre-Dame de la Sainte-Espérance au Mesnil-Saint-Loup, village où Charlier vécut et oeuvra. La Vierge et l'Enfant Jésus sont représentés en coule (habit des moines bénédictins). Marie écoute le Saint-Esprit, symbolisé par une colombe posée sur son épaule, contre son oreille, suivant un thème biblique connu, auquel Charlier a su donner une représentation plastique originale et pleine de grâce. Cette Vierge Rosa Mystica est le chef-d'oeuvre sculptural d'Henri Charlier, et elle représente un sommet dans l'histoire de la sculpture de tous les temps.
Derrière l'autel, Charlier a réalisé un Calvaire monumental, où les personnages en bois polychrome (Marie et Saint Jean) mesurent 2m40 de haut. Le Christ est représenté au moment où il crie “Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?” L'expression des trois personnages de ce calvaire est d'une intensité exceptionnelle. De chaque côté du transept, les Douze Apôtres en bois polychrome, de 4,80m de haut, valurent à Charlier ce compliment de son amie la poétesse Marie Noël : «C’est magnifique ! je ne sais lequel j’ose préférer de ces hommes qui me rappellent ceux – les prophètes – du Puits de Moïse… Mathieu, Philippe, ce Thomas dont le regard scrutateur interroge le Seigneur. Entre les lignes de ces figures de bois, si simples, si grandes, une âme est inscrite, grande et simple aussi. Et, corps et âme, tout n’est qu’un. C’est très très beau. Merci Charlier, merci !»
A propos de ces figures d'apôtres qui sont les sculptures les plus monumentales de Charlier, signalons la parenté de style avec les figures ornant les frontons ou les portails de nos cathédrales en France : personnages de forme élancée, épousant l'architecture toute en hauteur sur laquelle ils sont fixés. Charlier se place ici dans le droit fil de la tradition des portails de Chartres, tout en développant plastiquement le meilleur de son style personnel, fait de profondeur et d'une grande simplicité des lignes alliée à une certaine rudesse, qui donne à ces oeuvres la grandeur justement perçue par Marie Noël.
Maître autel de l’oratoire Saint Joseph - Montréal (Canada)
Calvaire de l’oratoire Saint Joseph - Montréal (Canada)
Rosa Mystica - Monastère du Mesnil Saint Loup (Aube)

L'effet est voulu, en raison du mystère de la Transfiguration de Notre-Seigneur auquel est dédiée cette chapelle, mystère de lumière auquel la Vierge est associée. Au bleu puissant qui colore le fond de l'Arc triomphal de la Transfiguration, répondent les roses délicats de la Vierge de l'Assomption, l'ensemble étant éclairé par la lumière orange des vitraux qui surplombent la nef. Faisant le tour de l'église en partant du maître-autel, un chemin de Croix monumental gravé dans la pierre orne les murs. Charlier a sculpté aussi de délicieuses pièces en bois polychrome : saint Joseph à l'Enfant-Jésus, saint Jude, saint Gaétan à l'Enfant-Jésus. Les tabernacles de la chapelle et de la crypte, ainsi que les chandeliers ont été dessinés par lui. La crypte saint Gilles lui doit aussi une fresque (selon la technique originale de la fresque, sur mortier frais, retrouvée par Charlier), ainsi que les statues de saint François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal.
Arc triomphal - Chapelle ND de Lumière, Troyes (Aube)
Saint Joseph - Chapelle ND de Lumière, Troyes (Aube)
L’Apôtre Philippe (4,80 m) Oratoire Saint Joseph - Montréal (Canada)
[http://www.saint-joseph.org/]
L'ensemble sculpté de l'Oratoire Saint-Joseph représente dans l'oeuvre de Charlier un travail s'étalant durant les années 1937-1960, le gros oeuvre ici mentionné ayant été réalisé entre 1950 et 1960. Nous remercions l'Oratoire Saint-Joseph d'avoir très aimablement mis au service de notre site les clichés du maître-autel et du Calvaire présentés ci-dessus. On peut visiter le site internet de l'Oratoire à l'adresse http://www.saint-joseph.org/.
Enfin, sur l'angle opposé à celui d'une sainte femme tenant une lampe pour éclairer l'obscurité du tombeau, Charlier a représenté la Nuit de la Résurrection sous les traits d'un visage de jeune fille les yeux clos, deux doigts délicatement posés sur sa bouche, qui apporte une note de douceur à l'ensemble du bas-relief. C'est la figure de l'Espérance, telle que Péguy la décrit à la fin du Porche du mystère de la deuxième vertu : O Nuit, ô ma fille la Nuit, la plus religieuse de mes filles… Nuit ô ma fille la Nuit ô ma fille silencieuse… Silencieuse aux longs voiles Toi qui répands de tes mains, toi qui verses sur terre Une première paix Avant-coureur de la paix éternelle. La Nuit de Charlier sur le bas-relief du maître autel de l'Oratoire Saint-Joseph, apporte juste ce qu'il fallait d'expression pour donner un visage humain à ces lignes éternelles.
Le bas-relief polychrome représentant l'Ensevelissement du Christ au Tombeau, qui figure sur l'une des faces du maître-autel de l'Oratoire Saint-Joseph, est lui aussi d'une rare perfection du point de vue de la forme et de l'expression. Il se signale par une audace de composition dans la perspective qui contient le corps du Christ.

Charlier l'a inscrit, non pas dans un plan unique suivant le plan de la paroi de l'autel comme il eût été normal, mais dans deux plans perpendiculaires l'un à l'autre : le tronc et les membres sont vus de profil, tandis que la tête est vue de face comme si elle était inscrite dans un plan faisant angle droit avec le précédent. La rencontre de ces deux plans au niveau du cou crée un effet de rupture brutale, certainement voulu pour rappeler la mort violente du Christ. Cet effet dramatique est encore accentué par la représentation de Marie-Madeleine vue de dos, qui cache son visage pour pleurer sa douleur. A l'inverse le visage du Christ exprime avec sérénité son oblation sacrificielle, comme un état toujours actuel malgré la mort, prémices de la Résurrection. C'est la plus belle représentation de tête du Christ mort qui ait été réalisée depuis celle de la Pietà d'Avignon.
Ensevelissement du Christe - Bas relief du maître-autel de l’oratoire Saint Joseph
Détail du bas relief du maître-autel de l’oratoire Saint Joseph - Montréal (Canada)
Maître-autel de l’oratoire Saint Joseph - Montréal (Canada)
Oratoire Saint-Joseph : vue d'ensemble du Calvaire et du maître autel (face représentant la Résurrection du Christ) sculptés par Charlier.
Notre-Dame de Lumière réalise l'une des plus belles synthèses plastiques de cette définition de l'art que nous devons à Henri Charlier : «L'art est une transfiguration.»
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